L’Arche de Noé de Benjamin Britten : Une création de l’Opéra de Lyon
Silvia Costa signe la mise en scène, les décors et les costumes d’un spectacle qui se déroule au Théâtre de la Croix-Rousse, coréalisateur de la production.
Prologue
Rassemblés sur le parvis du théâtre par une nuit glaciale d’hiver, les spectateurs assistent aux processions et à la mise en place d’images corporelles interprétées par un chœur d’adolescentes aux voix douces et recueillies. Installée dans une sorte de grand tabernacle, une excellente harpiste (Sara d’Amico) accompagne onze chants de Noël composés aussi par Benjamin Britten.
Acte 1
Tels des pèlerins, les spectateurs entrent dans le théâtre. Stylite perché au sommet de son stylobate, Dieu, excellemment interprété par Thomas Rortais, joue à l’agent d’accueil. Il interpelle vigoureusement les spectateurs et leur reproche de mettre en danger la planète Terre. En divin écologiste, il menace et exhorte, tradition biblique oblige.
Acte 2
Noé, ayant entendu son appel, construit son arche avec l’aide de ses enfants et de quelques proches. Noé (Romain Bockler, baryton basse de grande qualité), entame son odyssée malgré les réticences de Madame Noé, rebaptisée Clémence. Après le déluge, théâtralisé sous la forme d’un incendie (sic !), Noé, les siens et les espèces animales embarquées sur l’arche atterrissent. Heureusement, le chœur d’adolescentes, bien que condamné à de nombreux déplacements et à d’incessantes manipulations d’objets ou d’éléments de décor, se sort à merveille de la partition de Britten.
Epilogue
La dramaturgie hybride de cette production laisse perplexe. Hésitante à tracer un chemin précis entre le sacré et le païen, truffée de gestes dont la signification échappe, elle préserve toutefois le plaisir de la musique et du chant. La réduction de l’orchestre fonctionne. La finesse et l’impétuosité du pianiste (Grégory Kirche) et de la percussionniste (Gisèle David) servent magnifiquement la partition tonale de Britten riche d’inventions vocales et instrumentales. Les citations subtiles d’œuvres de Purcell ou Haendel contribuent aussi au bonheur de l’écoute. Enfin il y a la prestation de la directrice musicale (Karine Locatelli) qui sauve l’ensemble de l’hybridité de la mise en scène : précision des gestes, sens de l’humour, raffinement de l’exécution des climats musicaux, maîtrise parfaite des chœurs.
Michel Dieuaide
Représentations jusqu’au 4 février 2023
Au Théâtre de la Croix-Rousse