Retour sur le festival des correspondances de Manosque

Retour sur le festival des correspondances de Manosque

Je vous l’avais promis , le voilà : mon compte-rendu de deux journées bien remplies, en tant que correspondant d’Auraone, aux Correspondances de Manosque, vendredi et samedi dernier ( 24 et 25/9/2021 )
Arrivé sous un soleil radieux dans la ville de Jean Giono en fin de matinée. Un peu tard pour assister à l’apéro littéraire du jour mais tout à fait à temps pour flâner dans  la vieille ville , à l’intérieur des remparts. On retrouve avec plaisir l’ambiance des correspondances, le tohu-bohu des festivaliers dans la Rue Grande et sur les places, aux terrasses des cafés et dans les magasins où on trouve souvent des écritoires, offrant à tous papier,  crayons et enveloppes pour écrire , en toute liberté à ses proches ou aux invités du festival, voire même aux organisateurs….. et c’est le festival qui se charge d’affranchir vos missives !
Un petit tour au syndicat d’initiative pour acheter des place pour le spectacle du soir , au théâtre Jean Le Bleu et l’on se précipite à la terrasse de l’excellent resto italien de la place de l’Hotel de Ville  : il faut faire vite les tables sont prises en assaut !
L’après-midi les choses sérieuses commencent : à 15 heures une rencontre singulière est proposée sur la place Pagnol : Christophe Boltanski et Christine Montalbetti dialoguent sur leurs livres singulièrement proches dans leur démarche : inventer la vie de gens ordinaires à partir de traces trouvées par hasard . On comprends vite que les deux auteurs aboutissent  les résultats fort différents ! À vérifier en lisant : « Les Vies de Jacob » de Boltanski et     « Ce que c’est qu’une Existence » de Montalbetti.
À 16 h30 on écoute Nathacha Appanah, toujours la place Pagnol. Elle évoque un fascinant personnage féminin, originaire d’un pays du Sud non nommé où elle a vécue une existence très dure, puis épouse d’un médecin français pour qui elle a tout abandonné, même son nom . Veuve elle est confrontée à ses souvenirs… L’auteure a la voix douce et le teint cuivré ( elle est née à l’île Maurice ) et elle emporte la conviction : on lira « Rien ne t’appartient »
Un petit tour de ville et un repas rapide plus tard on est à la salle Jean Le Bleu pour un spectacle extraordinaire «  Canoës » de et par Maylis de Kerengal avec Cascadeur et Mederic  Collignon . L’auteure lit son texte, accompagnée par les deux musiciens . Le piano de Cascadeur et la trompette de Collignon mais aussi les onomatopées de l’un et de l’autre tissent un paysage sonore inouï dans le quel se coule la voix de Kerengual, portée, soutenue mais jamais couverte par ses comparses. Le public est ravi, subjugué complice . À la fin on va même le mettre à contribution et il faut voir – pardon entendre – avec quelle ferveur il donne de la voix quand on le lui demande . Une réussite parfaite !!!
Samedi matin l’apéro littéraire est consacré à Agnès Desarthe et à Julie Ruocco, dont des extraits des livres, « L’Eternel Fiancé » d’A.Desarthe et «  Furies » de J.Ruocco, sont d’abord lus par des bénévoles.  Puis vient le dialogue entre les deux écrivaines qui semblent surprises, mais contentes d’être réunies et qui découvrent des points communs dans leurs ouvrages. On s’éclipse juste avant le buffet réalisé par les élèves du lycée des métiers. Pour être là il a fallu renoncer à la projection en avant-première du film de Thierry Thomas «  Le Monde De Proust » un documentaire basé sur des documents d’époque . C’est une richesse des Correspondances de proposer plusieurs événements simultanément : richesse qui pose souvent au festivalier de cruels cas de conscience !
Les séances que nous avons retenues pour l’après-midi permettent de s’interroger sur la question fondamentale des rapports entre l’auteur et ses personnages. A 16 h 30, place des Observentins, on a rendez-vous avec Salomé Kiner et Thimothée Standulescu. Toutes deux on écrit des romans ( « Grande Courone » de S.Kiner, «  L’Eblouissement des Jeunes Filles » de T.Stanculescu )mettant en scène des adolescentes, prêtes à tout pour échapper à un quotidien étriqué. Les deux écrivaines ont l’air jeunes, très jeunes , on peine à leur donner les 35 et 30 ans qu’elles ont ! Plus intéressant elles admettent d’emblée que leur héroïnes ont largement été inspirées par leur propre adolescence. Thimothée Standulescu s’est même aidée du journal intime qu’elle tenait à 15 ans ! Et durant tout l’entretien on a pu voir l’étroite proximité entre les auteures et leurs personnages : elles s’inspirent de ce qu’elles ont été pour (re)trouver l’authenticité de leurs héroïnes tout en portant sur elles un regard distancié et froidement critique. Pas de complaisance donc pas même de connivence envers ces pauvres ados, images peut-être de ce qu’elles ont jadis craint de devenir !
La rencontre suivante , avec Helena Marienské, permet d’aller encore plus loin dans la réflexion sur les rapports entre l’auteur et le personnage qu’il décrit puisque «  Presque toutes les Femmes » se donne clairement comme autobiographique. Et ce qui fait tout l’intérêt de l’entretien c’est ce qu’il dit de l’écriture même. Helena Marienske fait sien , nous dit-elle, le «  pacte autobiographique » c’est à dire qu’elle s’engage à dire la vérité et que la vérité, ou, du moins, sa vérité. Mais cela ne règle pas tout, loin s’en faut. D’abord parce qu’il ne serait pas convenable, sous couvert de vérité, de mettre en cause des personnes qui ne souhaitent pas que leur histoire soit révélée. D’où quelque déformations ( changement de nom ou de détails trop caractéristiques par exemple) finalement bien compréhensibles.  Plus important est le choix de ce que l’on dit et de ce que l’on tait . Rien que la vérité d’accord mais toute la vérité…… Enfin, et c’est probablement là qu’est le plus grand risque de déformation, il y a le ton que l’on choisit pour dire les faits : Helena Marienske avoue avoir longtemps «  donné à voir le même éternel sourire pour avancer guillerette dans le récit ». Même si, durant tout l’entretien, Helena Marienske ne s’est guère départie de son éclatant sourire elle a su nous laisser (entre)voir, que tout ne fut pas toujours riant dans son existence !
Il me semble que cet après-midi a bien montré l’intérêt des rencontres des écrivains avec leur publique  : même si ce qui importe c’est le livre, ce qu’il contient et la manière dont il le dit, il n’est pas sans intérêt de connaître pourquoi et comment son auteur l’a produit, avec quelles intentions et dans quel état d’esprit. De tels renseignements ne rendront jamais un mauvais livre bon mais ils peuvent nous aider à former  plus justement notre opinion sur les œuvres . Et donc, vive les rencontres écrivains/ lecteurs, vive les Correspondances de Manosque, magnifique occasion pour les amateurs de livres d’approcher leurs auteurs favoris et/ou de découvrir de nouvelles pistes de lectures !

                                                                                     Jean-François MARTINON

Photo : forum sur la place de l’Hotel de Ville. Précisons que pour toutes les rencontres sur les places l’entrée est libre et gratuite.

 

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